Edvige, Christina, Ariane et les autres

EDVIGE : fichier de police institué par décret du 27 juin 2008

L'acronyme signifie "Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale". Sa mise en oeuvre correspond à la mise en place de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) qui fusionne désormais RG et DST. Cette fusion ayant été programmée par Nicolas Sarkozy dès son arrivée au ministère de l’Intérieur en 2002.

En plus d’Edvige, la police s'est dotée du fichier CHRISTINA (Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux, classé « secret défense »), qui recense des données personnelles mobilisées par les forces de l’ordre en matière de lutte anti-terroriste.

Pour rappel, depuis les années 80, on assiste en France à un développement inédit de ce type de fichiers :

FPR (fichier des personnes recherchées)
FRG (fichier des renseignements généraux)
FIT (fichier automatisé du terrorisme)
FNT (fichier national transfrontière)
FNAEG (fichier national automatisé des empreintes génétiques)
FAED (fichier automatisé des empreintes digitales, enregistrant et conservant notamment les empreintes digitales de tous les individus mis en cause dans une procédure pénale pour crime ou délit, le FAED n’a jamais cessé de croître : 1,8 millions d’individus fichés en 2004… et plus de 3 millions aujourd’hui.)
JUDEX (système judiciaire de documentation et d’exploitation, prochainement fusionné dans ARIANE...)
STIC (système national des infractions constatées, alimenté par des informations extraites des procès verbaux établis dans le cadre de procédures judiciaires, le STIC comprenait 2,5 millions de fiches de personnes mises en cause en 1997… et plus de 4,7 millions en 2006)

Parallèlement, les autorités françaises ont contribué à mettre en place des bases de données biométriques : fichier des empreintes digitales des demandeurs de visas, système d’information SCHENGEN II, fichier EURODAC, fichier national des passeports biométriques, etc.

Rappelons qu’au mois d’avril 2008, devant le tollé suscité par "l’expérimentation" du logiciel policier ARDOISE (acronyme d’« Application de Recueil de la Documentation Opérationnelle et d’Informations Statistiques sur les Enquêtes), MAM (Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur), avait dû renoncer (provisoirement) à ce nouvel outil (officiellement) présenté comme un moyen de traiter plus efficacement les infractions et d’augmenter leur taux d’élucidation. Ce logiciel devait permettre aux policiers, lors d’investigations, de collecter de nombreuses informations sur les individus se trouvant impliqués dans leurs enquêtes : les auteurs et les victimes, mais aussi les témoins. Il était demandé aux policiers, dans une rubrique intitulée « État de la personne » de renseigner d’étranges catégories concernant les individus amenés à entrer en contact avec les forces de l’ordre dans le cadre d’une procédure : « Homosexuel », « Transsexuel », « Travesti », « Relations habituelles avec personne prostituée », et cetera, etc...

Protection des sources : appréciation aux juges

Après l'Assemblée nationale au printemps dernier, le Sénat vient de se pencher sur la protection des sources des journalistes, clarifiant des éléments de ce texte critiqué par la gauche et par plusieurs syndicats de journalistes.

Adopté en première lecture par La Haute Assemblée, le projet défendu par Rachida Dati (lire notre article) va donc repartir au palais Bourbon pour une deuxième lecture (ndr : la majorité UMP et centristes a voté pour ; la gauche PS, PCF et Verts a voté contre en déplorant des "imprécisions" encore "trop nombreuses"). Les sénateurs ont adopté avec l'aval du gouvernement tous les amendements du rapporteur de la commission des Lois (ndr : François-Noël Buffet, UMP) visant à "clarifier" le projet.

Dans le premier article, ils ont supprimé la disposition limitant aux seules questions dites d'intérêt général le bénéfice de la protection du secret des sources. Plusieurs syndicats de journalistes la jugeaient très "floue". Selon la version sénatoriale, "le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public". Cette protection est par ailleurs "explicitement" étendue à l'ensemble de la chaîne de l'information. Ils ont précisé la notion "d'atteinte indirecte" en stipulant qu'elle consiste en "le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources".

Les dérogations au secret des sources permises par le texte ont par ailleurs été complétées. Les députés avaient voté qu'il "ne pouvait être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu'à titre exceptionnel et lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie". Les sénateurs ont supprimé la mention "à titre exceptionnel" et ajouté "et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi". La ministre de la Justice a jugé "impératif" de "laisser aux juges le soin d'apprécier au cas par cas s'il est justifié de savoir comment un journaliste a été informé et d'identifier sa source" dans le cadre d'une affaire pénale. CAF (sources : AFP, L'Express)

Plenel claque la porte des Etats généraux de la presse

Le site d'informations Mediapart a annoncé jeudi avoir décidé de ne plus participer aux états généraux de la presse écrite, estimant qu'il s'agit "au mieux d'un jeu de dupes, au pire d'une menace pour l'ensemble de nos métiers...". Notre rédaction s'en fait l'écho...

Le site d'Edwy Plenel avait été invité à participer à l'une des commissions des états généraux lancée début octobre par Nicolas Sarkozy. Une commission dédiée à la presse sur internet (ndr : intitulée "Le choc d’Internet : quels modèles pour la presse écrite ?"), pilotée par Bruno Patino (voir bio et photo), docteur es-sciences-po, ex-directeur du Monde Interactif (aujourd'hui disparu), auteur d'un essai sur "Une presse sans Gutenberg"...

Mediapart aura finalement participé aux états généraux de la presse durant 17 minutes : "Nous nous sommes rendus à la première réunion de cette commission jeudi pour constater qu'aucune des conditions minimales n'était remplie : pas de publicité des débats, sous-représentation des journalistes, absence des lecteurs et des blogueurs, et un flou procédural laissant libre cours aux influences et petits arrangements"...

Rappel des faits
: début octobre, Nicolas Sarkozy a chargé quatre groupes de travail composés d'éditeurs, de journalistes, d'experts et d'hommes politiques, de réfléchir à l'avenir de la presse. Chaque groupe devant présenter d'ici la fin de l'année quelques recommandations (ndr : cinq ou six... pas plus...).

Une histoire de saupoudrage : des "pôles" dotés de personnalités variées...

Que retenir du pôle, si ce n'est sa dénommination et sa composition : "Quel avenir pour les métiers du journalisme ?" avec Arnaud de Puyfontaine (photo), diplômé de l'ESCP, 44 ans, ancien Pdg de Mondadori France, qui regroupe les activités françaises du groupe italien connu pour avoir mené la cession d'Emap France à Mondadori, en 2006, contrôlé par la holding Fininvest de Silvio Berlusconi. Ex-président de l'Association pour la promotion de la presse magazine (APPM, de 2004 à 2007).

Dans cette auguste commission, le rejoignent Michel Muller (Filpac-CGT), Gérald de Roquemaurel (ex-Lagardère), Jean-Clément Texier (expert médias), Michel Sasportes (OC & C Strategy) et Francis Morel (Le Figaro)... un doux mélange... avec deux rapporteurs : Cécilia Berthaud de l'Inspection des Finances et Marine Camiade de la Cour des Comptes.

François Dufour, président du pôle «presse et société», s'est pour sa part entouré de quatre vice-présidents chargés chacun d'une question clé... le casting parle de lui-même : Patrick Eveno, historien de la presse (Paris I), qui pilote le thème «Pluralisme, développement et concentration : que faire ?» ; Jean-Marie Charon, sociologue de la presse et chercheur au CNRS, la question ; Pascal Guénée, directeur de l'Institut pratique du journalisme («Comment améliorer le contenu pour les lecteurs»ue du Journalisme") le sujet sur la confiance des lecteurs, et Jeanne-Emmanuelle Hutin (ndr : Hutin, donc...), du quotidien régional «Ouest-France», celui sur les moyens d'attirer les lecteurs jeunes (15-15 ans). Chritophe Garat, de la Cour des Comptes, et Emmanuel Fessy, ex-conseiller technique auprès du ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon...

Pour info, les quatre groupes de travail constitués depuis le 2 octobre pour organiser les travaux des états généraux de la presse ont à leur tête des personnalités ayant toutes une (grande) expérience du monde de la presse. Des groupes sensés dialoguer via un comité de pilotage... (le plus) intéressant (est) donc de passer en revue la composition de ce comité... un vrai casting média :

La coordination est assurée par Bernard Spitz (photo, diplômé de l’ESSEC, de l’IEP Paris et de l’ENA, maître des requêtes au Conseil d’Etat). Bernard Spitz a été jusqu’en 2004 directeur de la stratégie de Vivendi Universal, avant de fonder "BSConseil", société de conseil en stratégie et en communication. L'homme est par ailleurs ex-conseiller de Michel Rocard, ancien journaliste au Monde et a été membre de la DG de Canal+. Bernard Spitz est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur le secteur de la communication, accessoirement membre du collectif de réflexion de centre gauche des "Gracques" (association lancée par d'anciens conseillers économiques et sociaux de F. Mitterrand, et des ministres L. Fabius, P. Beregovoy, M. Rocard, L. Jospin, J. Delors, M. Sapin et DSK).

Groupe de travail "Imprimer, transporter, distribuer, financer : comment régénérer le processus industriel de la presse écrite ?" : Bruno Frappat (photo, La Croix, 63 ans, est depuis avril 2005 le président du directoire de Bayard Presse, groupe catholique de presse et édition multimédia, (détenu par les Assomptionnistes)...

Bruno Patino (photo, 43 ans, qui vient d'accéder à la direction de France Culture, est un spécialiste des relations entre la presse et internet. Ce docteur en sciences politiques, également diplômé de l'Essec (Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales), a notamment pris en charge le destin numérique du Monde, en dirigeant sa filiale Le Monde Interactif (ndr : paix à son âme...) a également présidé Télérama et la régie publicitaire du groupe Le Monde, dont il deviendra brièvement vice-président du directoire en 2007. Bruno Palatino dirige l'école de journalisme de Sciences-Po Paris et est l'auteur avec Jean-François Fogel d'un essai sur "Une presse sans Gutenberg". En charge de l'atelier "Le choc d’Internet" : quels modèles pour la presse écrite ?

François Dufour, 46 ans, est le co-fondateur du groupe Play Bac et le rédacteur en chef des seuls quotidiens français destinés aux enfants. Diplômé de Science-Po, il est le représentant des quotidiens nationaux français à l'Association mondial des journaux (AMJ). Convaincu que la crise de la presse est une "crise du contenu", il a avancé en janvier dix propositions pour sauver les quotidiens d'actualité. Parmi elles : rendre les journaux plus visuels, plus explicatifs, plus pratiques, s'interroger davantage sur ce qui intéresse les lecteurs, et en particulier les lectrices, offrir davantage de sport et de sujets nationaux... l'homme est en charge de l'atelier "Presse et société" : comment répondre aux attentes des lecteurs et des citoyens ?

Claude A.Frison (mouture sources AFP, Nouvel Obs, Médiapart, Ouest France...)

Mediapart : lettre ouverte aux Etats généraux

Voici dans son intégralité l'analyse faite par Edwy Plenel et François Bonnet, directeur éditorial de Médiapart sur les Etats généraux de la presse initiés par Nicolas Sarkozy... Mediapart lance un appel à tous les professionnels pour imposer de véritables Etats généraux...

Nous sommes journalistes. Notre métier est l'information, c'est-à-dire la libre enquête sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. C'est un travail qui nous oblige, car il est au coeur d'un enjeu qui nous dépasse: la démocratie.

Une crise d'indépendance

Les droits et devoirs de notre profession ne sont pas un privilège, mais une responsabilité envers les citoyens. La déclaration qui vaut charte déontologique pour les journalistes européens l'énonce clairement : «La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l'égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics». Tout simplement parce que les journalistes sont à la fois dépositaires, instruments et gardiens d'une liberté qui ne leur appartient pas : «Le droit à l'information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de l'être humain, rappelle le même texte, adopté en 1971 à Munich par nos fédérations et organisations professionnelles. De ce droit public à connaître les faits et les opinions procède l'ensemble des devoirs et des droits des journalistes».

Nous sommes journalistes, et nous ne comprenons pas ce que divers représentants de notre profession sont en train de laisser faire. Nous ne comprenons pas comment l'avenir de notre métier peut être confié à une procédure qui est la négation même des principes que nous venons d'évoquer. Nous voulons parler de ces Etats généraux de la presse, initiés, convoqués et organisés par le président de la République française dont les quatre groupes de travail commencent aujourd'hui à se réunir.

Un déni de démocratie

(photo François Bonnet, directeur éditorial de Mediapart) Les Etats généraux qui, en 1789, abolirent les privilèges, adoptèrent la déclaration des droits de l¹homme et instituèrent une assemblée constituante, étaient autrement démocratiques, transparents et pluralistes que la caricature qui nous est aujourd'hui proposée. «La publicité de la vie politique est la sauvegarde du peuple», affirmait en août 1789 Jean-Sylvain Bailly, président du tiers-état et premier maire de Paris, résumant d'unephrase cet enjeu crucial où la liberté de la presse garantit celle des citoyens. Citant cette sentence dans son Histoire des médias (Seuil, 1990), l'historien et praticien des médias Jean-Noël Jeanneney ajoute ce commentaire :«Il ne suffit pas de dire que désormais la souveraineté ne tombe plus d'en haut, et qu'elle procède du peuple ; il faut que tout se fasse en public, sous le regard attentif et sévère des citoyens». De fait, en 1789, les Etats généraux donnèrent lieu à l'expression publique de revendications par les cahiers de doléances, à la désignation pluraliste de représentants par l'élection de députés, à la confrontation transparente des opinions dans des assemblées ouvertes, à l'élaboration patiente de consensus légitimes sanctionnés par des votes.

Faut-il avoir perdu confiance en nous-mêmes, en l'ambition de notre métier et en l'exigence démocratique qui le fonde, pour accepter de cautionner, à plus de deux siècles de distance, une mise en scène où tous ces principes sont piétinés? Sous couvert de république, la procédure est monarchique. C'est le président de la République qui, seul, décide, choisit, arbitre. Ainsi le pouvoir exécutif, en son expression à la fois la plus symbolique et la plus sommaire, s'arroge sans partage le droit de décider ce qui sera bon pour ceux qui, dans ce pays, font profession d'informer. Il s'agit de « ma proposition », a insisté Nicolas Sarkozy dans son discours d'ouverture, le 2 octobre. Le «comité de pilotage», dont il a désigné seul les quatre membres sans aucun critère transparent ni procédure publique, sera coordonné par «mon cabinet», a-t-il ajouté, ne citant qu'ensuite, et donc dans une explicite soumission hiérarchique, la ministre de la culture et de la communication ainsi que la direction du développement des médias qui dépend du premier ministre. Ce comité est chargé de lui faire des «propositions» qui, a-t-il précisé, «tiendront compte des suggestions» des professionnels, formule aussi vague dans l'énoncé que souple dans l'exécution. Mais, au final, c'est lui et lui seul qui fera le tri : «J'écouterai et je tiendrai compte de ce qui sera dit». On a connu engagement plus contraignant.

Une procédure opaque

De cette régression stupéfiante ­ le pouvoir s'arrogeant la maîtrise du contre-pouvoir ­, tout le reste découle. Désignés par privilège présidentiel, les quatre «pilotes» choisissent de façon régalienne les membres de leurs groupes de travail. Quant à l'organisation des travaux, ni règle précise, ni transparence codifiée, encore moins de procédure claire ou d'ordre du jour précis: l'opacité règne, avec son cortège d'arrière-pensées, de manoeuvres et de clientèles, d'intérêts et de réseaux. Un secteur économique qui représente pas moins de 400 000 emplois voit donc la réflexion sur son avenir confiée à une poignée d'experts arbitrairement sélectionnés par le Prince du moment, lequel président a pourtant maintes fois démontré le peu de cas qu'il faisait de l'indépendance des journalistes et de la liberté de la presse.

Que des Etats généraux d'une presse minée par la crise et ébranlée par le numérique soient une excellente initiative, c'est une évidence. Que le discours introductif de Nicolas Sarkozy contienne des pistes intéressantes, c'est même possible. Mais l'on ne saurait être journaliste et accepter des Etats généraux qui non seulement ne sont pas organisés par la profession elle-même, mais qui, de plus, ne respectent aucun formalisme démocratique. De même que l'on ne saurait prendre pour argent comptant un simple discours présidentiel quand notre métier nous apprend à distinguer communication et information, en confrontant les mots aux actes. Journalistes, nous pouvons d'autant moins accorder notre confiance à cette procédure incertaine quand nous savons ce qui l'a précédée.


D'abord, le feuilleton de la réforme de l'audiovisuel public : service rendu en sous-main aux opérateurs privés qui réclament le monopole des ressources publicitaires ; commission parlementaire bafouée par le rejet présidentiel de ses propositions les plus consensuelles ; annonce unilatérale de la désignation des futurs dirigeants par le seul président de la République, confondant ainsi le service du public et celui de l'Etat pour mieux réduire l'autonomie conquise, depuis 1981, par les rédactions. Ensuite, le rapport préparatoire confié par Nicolas Sarkozy à une élue parisienne du parti présidentiel, l'UMP Danièle Giazzi, sur Les médias et le numérique : les quelques propositions pertinentes y sont accessoires par rapport à son objectif essentiel de dérégulation et déconcentration, porte ouverte à une régression accentuée d'un pluralisme médiatique déjà bien mis à mal. Enfin, le rôle occulte assumé, en toute vergogne, par l'officieux conseiller du président, particulièrement en ces matières médiatiques, Alain Minc : sa dernière sortie haineuse (ndlr: voir vidéo) contre Mediapart en particulier et le journalisme en général montre en quel estime il tient la liberté de la presse, alors même qu'il gagne sa vie en conseillant des opérateurs financiers directement intéressés à ce que décidera ce président qu'il conseille également, dans le secret de leurs conciliabules, sans rendre compte à quiconque et dans un mélange des genres stupéfiants.

Imposer de vrais Etats généraux...

Autant de raisons pour en appeler à la raison d'être de notre profession. Accepter de prétendus Etats généraux ainsi conçus, c'est forcément acquiescer à un marché de dupes. C'est surtout renier nos valeurs professionnelles et nos principes démocratiques, au risque d'accentuer le discrédit du journalisme dans l'opinion et d'aggraver ainsi une crise de confiance qui est au coeur des difficultés de la presse.

Nous en appelons donc à toute la profession, à tous les métiers de la presse et de l'information, à toutes les organisations syndicales et professionnelles, pour les inviter à choisir une autre voie, en imposant de véritables Etats généraux de la presse, organisés par la profession elle-même, avec des assemblées délibératives, des délégués élus, des doléances recueillies, selon une authentique procédure démocratique, c'est-à-dire publique.

Ne pas le faire, céder à l'appétit des intérêts particuliers et aux sirènes du pouvoir présidentiel, ce serait trahir la promesse démocratique qui nous légitime professionnellement, aussi essentielle pour nos concitoyens que celle qui, par le suffrage, légitime le chef de l'Etat. «Le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel, rappelait Victor Hugo, dans un discours à l'Assemblée constituante de 1848. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s'appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre».